Les biofilms représentent un défi majeur au sein de l’industrie agroalimentaire.
Ces communautés de microorganismes enrobés dans une matrice extracellulaire adhèrent aux surfaces des équipements et peuvent provoquer des problèmes de qualité et de sécurité des produits alimentaires.
Comprendre les étapes de formation des biofilms et mettre en place des stratégies de prévention est essentiel pour garantir des procédés agroalimentaires efficaces et des produits sains.
Cet article explore une revue synthétique de ce mécanisme, identifie les risques associés et propose des solutions pour les prévenir et les éliminer efficacement.
Qu'est-ce qu'un Biofilm ?
Un biofilm est une agrégation de microorganismes, tels que des bactéries, des levures et des moisissures, qui adhèrent à une surface et produisent une matrice extracellulaire protectrice (EPS ou Exopolysaccharides) qui est formée de polysaccharides, des protéines, des lipides et des acides nucléiques et d‘autres molécules loin d’être encore connues. Cette matrice rend les microorganismes plus résistants aux désinfectants et aux traitements appliqués au niveau de l’industrie agroalimentaire.
Les biofilms peuvent être formés d’une mono-espèce ou de multi-espèces de microorganismes selon les procédés de fabrication et les produits alimentaires en question. De plus, la vie dans un biofilm est complexe, avec une hétérogénéité cellulaire, physiologique et génétique, d’où la complexité de ces phénomènes et des solutions à mettre en place. Un biofilm peut se développer sur diverses et multiples surfaces : les équipements en IAA (Industries Agro Alimentaires), les coques des bateaux, les dents, les membranes de filtration, les instruments chirurgicaux et autres. Ils ne sont pas tous négatifs, mais certains peuvent contenir des pathogènes et causer des crises sanitaires.
Formation des Biofilms dans l'Industrie Agroalimentaire
Dans les procédés agroalimentaires, les biofilms se forment souvent sur les surfaces en contact avec les produits alimentaires, comme les conduites, les réservoirs, les équipements de traitement et les petits recoins.
La formation d’un biofilm se fait d’une manière séquencée qui commence par le transport des microorganismes à la proximité de la surface de l’équipement afin que l’adhésion puisse se produire. Plusieurs facteurs entrent en jeu à cette étape, comme la nature du flux (stagnant, laminaire ou turbulent) et les paramètres hydrodynamiques comme la vitesse d’écoulement et les forces de cisaillement (Busscher et van der Mei, 2006).
Une fois les microorganismes sont proches de la surface de l’équipement, l’adhésion initiale s’effectue par l’intermédiaire d’interactions physico-chimiques diverses (interactions électrostatiques, de van der Waals, acide-base de Lewis). Ces interactions sont étroitement liées aux propriétés physico-chimiques des surfaces des deux corps présents (les microorganismes et la surface de l’équipement). De plus, la topographie des matériaux (comme les saillies et les creux) joue un rôle majeur dans l’adhésion des microorganismes soit par augmentation de la surface pour les interactions soit par abri aux microorganismes vis-à-vis des flux.
D’où l’importance de la conception hygiénique des matériaux ainsi que leur maintenance au fil du temps. La plupart des auteurs ont utilisé le paramètre de rugosité moyenne (Ra) pour définir l’état hygiénique des surfaces, en plus des différentes normes qui le spécifient.
Cependant, ce paramètre est peu sensible dans la description de la présence des saillies ou des creux. D’autres paramètres semblent être importants et plus efficaces dans l’évaluation du caractère hygiénique des surfaces et de la présence de ces irrégularités comme la hauteur maximale de profil (Rz) ou les paramètres dérivés de la courbe de portance (Faille et al., 2000).
Une fois l’adhésion est effectuée et qui semble être une étape assez rapide, l’étape de consolidation se poursuit et relève de la capacité des microorganismes présents à se multiplier et coloniser la surface de l’équipement. Certains microorganismes ont la faculté de produire des substances exocellulaires et par conséquence la formation des agrégats avec une structure tridimensionnelle qui va consolider l’adhésion à l’équipement, c’est ce qu’on appelle communément le biofilm. Cette structure dynamique est le siège d’une stratification où différents échanges se produisent (transfert de nutriment, d’oxygène, transfert génétique ou d’autres). On peut attendre alors à une variabilité physiologique des microorganismes présents vu la variabilité des conditions environnementales locales présentes.
Ces microorganismes enchâssés dans cette matrice tridimensionnelle peuvent se détacher et contaminer le produit alimentaire. Plusieurs facteurs peuvent être à la base de ce détachement comme des facteurs intrinsèques reliés à la vie du biofilm, ou à l’écoulement et la nature des flux. Même, si certains des facteurs de la formation et du fonctionnement de biofilm sont connus, plusieurs phénomènes nécessitent encore de l’exploration et de l’explication.
Risques Associés aux Biofilms
Les microorganismes adhérés aux surfaces ou qui se trouvent au sein du biofilm, peuvent être protégés vis-à-vis des différents traitements appliqués en IAA. Cela pourrait être expliqué, soit par leur état physiologique ou leur thermorésistance pour certains, soit par leur présence au sein de la matrice exopolysaccharidique protectrice, soit par la difficulté des agents de nettoyage et d’autres traitements à pénétrer la structure du biofilm.
Par conséquence, ces biofilms peuvent entraîner des effets graves sur la qualité et la sécurité des produits alimentaires. Ils peuvent être à l’origine d’une dégradation prématurée du produit fini par altération de ses caractéristiques organoleptiques comme le goût, la texture et son apparence. De plus, certains microorganismes présents dans les biofilms peuvent être pathogènes et représenter un risque pour la santé des consommateurs (comme E. coli O157:H7, Listeria monocytogenes, Bacillus cereus et plusieurs d’autres).
Les biofilms peuvent aussi obstruer les conduites, réduire l’efficacité des échangeurs de chaleur et causer d’autres problèmes techniques entraînant des perturbations dans les processus de production.
Méthodes de Détection des Biofilms
La détection précoce des biofilms est cruciale pour les éliminer avant qu’ils ne deviennent un problème majeur. Cela peut être réalisé d’une manière basique mais rigoureuse grâce à des plans d’échantillonnage et des analyses microbiologiques lors des productions puis lors des suivis et caractérisation des nettoyages.
Les outils d’échantillonnage utilisés et les méthodes d’analyses doivent être adaptés au produit alimentaire et l’équipement en question. Ils doivent être validés et vérifiés régulièrement pour s’assurer de leur efficacité comme exigé dans la règlementation européenne et dans la norme ISO 22 000 ou d’autres référentiels privés. De plus, une étude claire doit être réalisée de leurs avantages et inconvénients et de leur capacité à fournir les informations escomptées. Le tout, dans un objectif de pouvoir combiner différentes techniques pour détecter les biofilms (par exemple, le type de lingettes ou écouvillons à tester, les méthodes d’analyse à utiliser pour prendre en compte les microorganismes viables non cultivables, etc.). Il est primordial de choisir des méthodes sensibles mais aussi rapides, afin de détecter rapidement s’il y a un problème au niveau du procédé et mettre des actions correctives et préventives en place.
D’autres techniques existent sur le marché comme des tests biochimiques et colorimétriques. Ces tests peuvent fournir des indications sur la présence des contaminations microbiologiques et qui combinés aux analyses microbiologiques, s’avèrent être un bon outil de pilotage des bonnes pratiques d’hygiène en routine. De nombreux outils sont appliqués et développés au sein des laboratoires de recherche comme la microscopie électronique à balayage afin de comprendre mieux la formation des biofilms et pouvoir émettre des solutions pour éviter leur formation au niveau industriel.
Prévention et Contrôle des Biofilms
La prévention des biofilms repose sur une combinaison de bonnes pratiques d’hygiène, de nettoyage et de désinfection réguliers, ainsi que sur l’utilisation de matériaux de surface appropriés qui minimisent l’adhésion des microorganismes. Des protocoles de nettoyage et de désinfection efficaces doivent être établis et suivis rigoureusement et évalués régulièrement comme mentionné auparavant.
Les conditions et paramètres de production et du nettoyage en industrie agroalimentaire peuvent être plus ou moins difficiles, des températures élevées, les conditions chimiques, les contraintes mécaniques, fragilisant ainsi la surface des équipements et des polymères présents comme les joints et les rendent sensibles pour la formation des biofilms. D’où, l’importance d’un contrôle régulier des états de surface, d’une évaluation de la pertinence des paramètres des procédés et du nettoyage appliqués, et d’une maintenance rigoureuse des équipements et composants utilisés.
D’autres stratégies de prévention sont étudiées et visent à réduire les interactions susceptibles d’exister entre les microorganismes et la surface de l’équipement. Nous pouvons citer la modification de la surface des matériaux des équipements afin de leur conférer des propriétés fonctionnelles comme antiadhésives, bactériostatiques, ou autres. De plus, un contrôle de la typographie de la surface est primordial afin de respecter le caractère hygiénique lors de la conception des équipements. Dans certaines applications, une compréhension de l’écologie microbienne des environnements de production et l’installation ou le maintien des biofilms positifs permet de limiter la croissance de certains germes indésirables par des effets de compétition nutritionnelle ou par la production des molécules inhibitrices (Mariani et al., 2011).
La gestion des biofilms dans l’industrie agroalimentaire est cruciale pour garantir la qualité et la sécurité sanitaire des produits. En comprenant les différentes étapes de formation des biofilms et en mettant en place des stratégies de prévention depuis la phase de conception et pendant toute la durée de vie des installations de production, les entreprises peuvent minimiser les risques associés à ces communautés microbiennes. Une approche proactive et une analyse de risques doivent être effectuées pour chaque type de procédé et produit alimentaire. Des compromis doivent être trouvés par les acteurs de la filière agroalimentaire, entre le choix des technologies, les paramètres de procédé, le respect de l’environnement et la réduction de l’utilisation des ressources comme l’eau et les traitements thermiques, et en même temps garantir la sécurité sanitaire des aliments et la santé des consommateurs.
Auteur : Reine MALEK
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