Réutilisation des eaux recyclées en agroalimentaire

Les industriels de l’agroalimentaire attendaient avec impatience des avancées législatives pour la gestion durable de l’eau. Le décret n°2024-769 du 8 juillet 2024 et l’arrêté du même jour ont été publiés par le gouvernement, rendant pleinement opérationnel le dispositif de réutilisation des eaux recyclées pour les industriels de l’alimentation. Ces textes constituent une avancée majeure, ouvrant de nouvelles perspectives pour la réutilisation des eaux dans le secteur agroalimentaire.

réutilisation des eaux recyclées en agroalimentaire

Une réforme législative ambitieuse

En début d’année, le décret n° 2024-33 du 24 janvier 2024 a marqué un tournant en définissant les conditions pour la production et l’usage d’eaux réutilisées dans la préparation et la conservation des denrées alimentaires. Cette réglementation vient d’être renforcée par le décret n° 2024-769 du 8 juillet 2024, qui étend les usages des eaux recyclées. Désormais, certaines eaux recyclées, issues des processus de production et des matières premières, peuvent être utilisées comme ingrédients dans les denrées alimentaires.

Le décret n° 2024-769 permet également aux eaux recyclées issues des matières premières et aux eaux de processus recyclées de circuler dans le même réseau que le réseau de distribution de l’eau destinée à la consommation humaine ou de circuler dans un réseau connecté à ce dernier. Il modifie les conditions pour l’utilisation des eaux recyclées issues des matières premières, des eaux de processus recyclées et des eaux usées traitées recyclées dans d’autres établissements du secteur alimentaire que celui dont elles sont issues.

Un cadre juridique clarifié

Complémentaire à ce décret, l’arrêté du 8 juillet 2024 précise les différents usages autorisés des eaux recyclées dans la préparation, la transformation et la conservation des denrées alimentaires destinées à l’alimentation humaine. L’arrêté définit les régimes de déclaration et d’autorisation nécessaires pour la production et l’utilisation de ces eaux, ainsi que les conditions de maîtrise du processus de collecte, traitement, stockage, distribution et utilisation. Il fixe également les exigences de qualité des différentes catégories d’eaux : brutes, usées traitées recyclées, et recyclées issues des matières premières et des processus de production.

Exigences de qualité des eaux réutilisées

Les eaux recyclées, doivent respecter les exigences minimales de qualité fixées à l’annexe 2 de l’arrêté. D’une manière générale, une analyse de risque doit être effectuée selon les catégories d’eaux à utiliser et les usages, selon la méthode HACCP et les bonnes pratiques d’hygiène. Suite à cette analyse, l’exploitant fixe la qualité et les paramètres à surveiller et à maîtriser pour garantir la sécurité sanitaire des denrées alimentaires.

Pour les eaux brutes, l’arrêté souligne l’importance de prendre en compte l’origine et les caractéristiques des eaux brutes dans le cadre du plan HACCP. Les eaux usées doivent subir un traitement préalable avant tout recyclage pour atteindre les valeurs limites d’émission prescrites pour la protection de l’environnement. L’exploitant doit identifier et évaluer les polluants et contaminants des eaux brutes, en se référant aux différents paramètres réglementaires en vigueur.

Pour les eaux usées traitées recyclées, l’arrêté exige aussi que le plan HACCP inclue les paramètres réglementaires en vigueur ainsi que d’autres agents biologiques ou chimiques pertinents pour assurer la sécurité alimentaire. L’exploitant doit prouver que la qualité des eaux usées traitées recyclées est conforme aux prescriptions de sécurité des denrées alimentaires définies par le règlement (CE) n° 178/2002.

Pour les eaux recyclées issues des matières premières et des eaux recyclées des processus de production, l’arrêté stipule que les eaux recyclées doivent respecter les prescriptions relatives à la sécurité des denrées alimentaires définies par le règlement (CE) n° 178/2002. Le plan HACCP doit inclure les procédures pour maîtriser les dangers identifiés, tenant compte des caractéristiques du processus de transformation et des étapes ultérieures pour contrôler les risques.

Programme de surveillance

Les exploitants du secteur agroalimentaire doivent mettre en place des programmes de surveillance et de vérification de l’efficacité des traitements des eaux réutilisées, conformément aux principes HACCP. Les analyses doivent être réalisées par des laboratoires accrédités par le COFRAC ou tout autre organisme européen équivalent, selon un référentiel démontrant les compétences des laboratoires d’étalonnage et d’essais. Une accréditation  conformément à la norme ISO/IEC 17025 est réputée satisfaire à cette exigence.

Les avantages pour les industries agroalimentaires

Ces textes offrent aux industries agroalimentaires un cadre juridique clair pour la mise en place de systèmes de réutilisation des eaux recyclées. Ils constituent un levier important pour :

  • Réduire la pression sur les ressources d’eau douce : Avec une ressource en eau de plus en plus disputée, cette nouvelle réglementation permet une utilisation durable et efficiente des eaux recyclées.
  • Limiter les rejets d’eaux usées : La réutilisation des eaux permet de réduire significativement les rejets, contribuant ainsi à la protection de l’environnement.
  • Faire des économies substantielles : certaines industries peuvent désormais économiser entre 15% et 80% en eau potable, selon le ministère de l’agriculture, ce qui se traduit par une réduction significative des coûts opérationnels.
CONCLUSION

Pour accompagner cette nouvelle règlementation, une instruction technique devrait bientôt paraître, fournissant des directives supplémentaires pour la mise en œuvre de ces mesures.

Avec ces nouveaux changements, l’industrie agroalimentaire se dote d’outils puissants pour une gestion plus durable de l’eau. Ces avancées législatives représentent une opportunité majeure pour réduire l’empreinte environnementale du secteur tout en optimisant les coûts. La mise en place de systèmes de réutilisation des eaux usées devient non seulement possible, mais aussi avantageuse et sécurisée pour l’ensemble des acteurs du secteur agroalimentaire. L’innovation dans la gestion de l’eau est en marche, et le secteur agroalimentaire est prêt à relever le défi pour un avenir plus durable.

Auteur : Reine MALEK

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